Michel Riaudel, directeur de l’Institut ibéro-américain

Directeur de l’Institut ibéro-américain de Sorbonne Université, Michel Riaudel est également Directeur de l’UFR d’études ibériques et latino-américaines et professeur d’études lusophones, spécialiste du Brésil. Il revient dans cet échange sur sa relation à l’IIA et son projet de réhabilitation.

La contribution des mécènes et donateurs, autour de projets concrets, d’initiatives articulant la formation, la recherche et le rayonnement culturel, est pour nous essentielle.

Parlez-nous de votre parcours et de ce qui vous a amené à diriger l’IIA.

Mon parcours est assez atypique car je n’ai pas fait d’études ni d’espagnol ni de portugais au départ. J’ai obtenu une maîtrise de lettres modernes, et je me suis retrouvé au Brésil par les hasards de la coopération, j’y étais VSNA à la place de mon service militaire. J’ai donc bifurqué par cette affectation vers le monde lusophone, et j’ai après repris une licence de portugais et essayé de faire converger ces deux parcours avec un doctorat sur la littérature brésilienne et en littérature comparée, discipline pour laquelle j’ai été ATER 4 ans à Nanterre. À chaque étape de mes processus de qualification (MCF et PR), le CNU m’a toujours qualifié dans les deux sections, 10 et 14, même si je suis aujourd’hui du côté des études lusophones. J’ai été recruté comme professeur en 2017 par ce qui allait devenir Sorbonne Université après 8 ans à Poitiers. Deux ans après, Nancy Berthier qui était directrice de l’UFR d’études ibériques et latino-américaines m’a sollicité pour prendre sa suite. Comme cette UFR a la chance d’avoir son propre bâtiment, la personne à sa tête dirige également l’Institut. Comme le bâtiment est actuellement en travaux (c’est tout le sujet de ce projet !), nous sommes temporairement installés à l’INSPÉ de Batignolles pour les masters et les préparations aux concours : mais nous continuons à nous occuper de l’IIA, pour des questions administratives par exemple, ou pour la levée de fonds !

C’est rare d’avoir un lusiste à la tête d’une UFR à l’origine hispaniste, j’en suis conscient, et j’espère que cela donne une meilleure visibilité à mon domaine. Dans la tradition française, l’hispanisme englobe toutes les langues de la péninsule et les aires où elles sont présentes.

 

Quel est le rôle de l’IIA, sa mission ?

Initialement on parlait de l’Institut d’études hispaniques : il surgit dans l’après Première Guerre mondiale en tant que projet et se concrétise en 1929. Ceci s’est fait à l’initiative de l’Espagne, à une époque où tous les pays souhaitaient être présents pour soutenir des enseignements à l’étranger. C’est la même chose pour le portugais : son premier enseignement à l’université en France date de 1919. Très vite et le Portugal et le Brésil sont parties prenantes pour développer ces enseignements et créer un centre dans les années 30 dédiée à cette mission. C’est donc autant une question de géopolitique que de géolinguistique. La particularité, pour les études hispaniques (qui donnent son nom originel à l’institut) c’est qu’on a un bâtiment dédié, une vitrine, un lieu qui accueille les intellectuels, les écrivains, les artistes du monde hispanique jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Gabriela Mistral qui reçoit le prix Nobel en 1945 est ainsi passée par l’Institut d’Études Hispaniques. Quand on connaît la place de Paris dans le développement de l’hispanisme, on sait à quel point l’Institut est une chance. Il va accueillir les cours d’espagnol, de portugais, et avec la fracture de mai 68 et l’éclatement de l’Université de Paris, l’Institut est alors partagé par Paris III et Paris IV (cette dernière faisant désormais partie de Sorbonne Université). Le bâtiment est revenu à Paris IV plus tard, et donc aujourd’hui Sorbonne Université.

On a rebaptisé l’Institut en Institut ibéro-américain pour rendre explicite l’inclusion de toutes les aires géographiques comprises dans nos enseignements. Jusqu’au déménagement, il a été le lieu des enseignements à partir de la 3e année de licence, et le siège de l’administration, il abritait aussi la bibliothèque Marcel Bataillon (aujourd’hui provisoirement transférée à Clignancourt). Il est difficile de ne plus avoir tout à disposition sur un même site, mais la difficulté est tempérée par la perspective de disposer bientôt d’un nouveau bâtiment flambant neuf ! Nous aurons de nouvelles salles, des espaces d’animation culturelle, un auditorium… ça fait rêver.

 

La direction d’un tel institut, centenaire, représente beaucoup de travail et de responsabilités, pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai pris en 2019 la direction de l’IIA, à la suite de Nancy Berthier, qui a instigué le projet de réhabilitation parallèlement aux célébrations du centenaire de l’Institut en 2017. En même temps je suis devenu président de la 14e section au CNU, la section des études romanes, où sont regroupés l’espagnol, l’italien, le portugais et le roumain. Ces deux responsabilités exigent des choses très différentes. Le CNU, ce sont des sessions autour de la qualification et des carrières des enseignants chercheurs sur des périodes très concentrées. La direction d’une UFR à l’inverse c’est du quotidien, des choses à gérer très diverses et tout le temps. Alors que le CNU suit un calendrier très ritualisé, la direction d’UFR, elle, est très variée. Côté IIA, on a toujours des choses à faire, auprès du bâtiment, du personnel, des étudiants, c’est très stimulant. Ces dernières années nous avons notamment veillé à accompagner notre communauté dans le moment difficile du déménagement, pour lequel Sylvie Montalibet, notre responsable administrative, a été d’une remarquable efficacité. J’attache aussi beaucoup d’importance au fonctionnement collégial de notre direction, renforcée de deux directrices-adjointes : Corinne Mencé-Caster ayant en charge les masters et concours, et Marianne Bloch-Robin, qui a pris la suite de Laurie-Anne Laget, les licences.

Et je reste également professeur, j’encadre des doctorants… C’est très prenant, la direction, à côté de mon travail à l’origine d’enseignant ! Finalement, je vois un peu la vie de l’Institut comme celle d’une famille : il faut s’occuper de problèmes, célébrer les réussites, se serrer les coudes… Dans une famille il peut se passer des tas de choses : les déménagements en font partie !

 

Pourquoi l’IIA s’engage-t-il dans un tel projet de réhabilitation ? Quels en sont les enjeux pour son développement futur et les études ibériques et lusophones en France ?

Quand je suis arrivé à la direction de l’Institut les choses étaient déjà bien avancées, Nancy Berthier avait bien travaillé sur le dossier. Barthélémy Jobert qui était président à l’époque de Paris-Sorbonne a soutenu le projet dont il a bien compris la nécessité. Après la fusion en 2018 de Sorbonne Université, nous avons continué à préparer le projet pour arriver à la projection d’aujourd’hui.

Le bâtiment était assez vétuste, le travail de mémoire qui a accompagné le centenaire de l’Institut a montré l’importance de l’IIA. Les transformations des années 60 exigées par la démocratisation de l’université n’ont pas été très heureuses sur le plan architectural et ont dénaturé le projet originel. Il fallait de toute façon envisager des adaptations et des mises aux normes. Deux chemins se présentaient à nous : soit on faisait un petit « toilettage » pour se mettre aux normes, soit on se lançait dans un projet plus ambitieux de rénovation qui redonnait sa place à l’Institut dans l’histoire de l’ibérisme à Paris.

Le pari était de refaire de l’IIA un lieu central pour les études hispaniques et lusophones, au cœur de Paris. Dans l’ancien Institut, on était limité en possibilités d’agenda culturel. La création est très vivante dans les mondes ibériques, nos spécialités très dynamiques, cela nous donne envie de redevenir un lieu d’accueil de ces esprits féconds, qui viendront de la péninsule ibérique, d’Amérique latine, ou encore d’Afrique où l’on parle aussi portugais. Tant nos formations historiques, en matière de langue, de littérature ou de « civilisation », que notre master Entreprises et Échanges internationaux dans les aires ibériques » ont des atouts pour cela et ne demandent qu’à se développer et à s’ouvrir sur tous les fronts. L’IIA était devenu essentiellement un lieu d’enseignement, un peu d’activités scientifiques, et trop peu de ces activités culturelles. Il faut réconcilier ces trois volets.

Un autre enjeu important est l’introduction de lieux de convivialité : naguère, il n’y avait pas d’endroits pour se retrouver ou se restaurer, pour les étudiants comme pour les enseignants. Le nouveau projet prévoit ces espaces qui permettront aux étudiants de ne plus manger un sandwich sur les marches de l’Institut mais dans une vraie cafétéria, et pour nos personnels et notre public de disposer d’une belle terrasse avec vue sur Paris ! Je suis très enthousiaste à l’idée de voir la rénovation aboutir. Ça va énormément stimuler nos projets.

 

Quel est votre meilleure anecdote, votre plus beau souvenir à nous raconter de la vie de l’Institut ?

Je dirais la manière dont j’étais accueilli, par toute la communauté de l’IIA. Je suis rapidement passé de simple professeur à directeur-adjoint, puis directeur, des charges que je n’ai pas revendiquées, et les collègues et la direction m’ont vraiment donné envie de travailler auprès d’eux. C’est pour moi important, les relations interpersonnelles doivent stimuler notre travail, elles sont indispensables car l’enseignement et la recherche reposent autant sur le collectif que sur les individualités. Ce n’est pas tant une anecdote en soi, plutôt quelque chose que je vis tous les jours à l’IIA.

 

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à de potentiels mécènes et donateurs ?

N’hésitez pas ! Nous avons besoin de vous. Lors de la relance du projet en 2019, nous avons vraiment souhaité mettre toute notre énergie dans cette réhabilitation. L’université a définitivement endossé le projet en garantissant son financement. Mais nous avons aussi besoin de soutiens pour faire les choses le mieux que possible. La contribution des mécènes et donateurs, autour de projets concrets, d’initiatives articulant la formation, la recherche et le rayonnement culturel, est pour nous essentielle. Elle permettra de démultiplier l’impact de la rénovation, grâce à des programmes de mobilité, des expositions, des cycles de conférence, des projections, des festivals, et ainsi d’aller plus loin, de développer les études ibériques au cœur même de la capitale. Les aires géolinguistiques sur lesquelles portent nos travaux ont beaucoup à apprendre au monde, en termes d’expériences, heureuses ou malheureuses, d’histoire, de réflexion sur nos imaginaires et nos sociétés. Notre stratégie et notre ambition, c’est de faire fructifier avec vous cette richesse. Le projet est cohérent et fait rêver : nous serons heureux de parcourir ce chemin avec ces nombreux soutiens !

Vous pouvez soutenir la réhabilitation de l'Institut ibéro-américain

Particulier comme entreprise, vous pouvez soutenir la réhabilitation de l'Institut ibéro-américain, apposer votre nom aux côtés des mécènes historiques de l'institut et entrer dans l'histoire de Sorbonne Université.